TCHIANG KAI-CHEK

TCHIANG KAI-CHEK
TCHIANG KAI-CHEK

TCHIANG KAI-CHEK ou JIANG JIESHI [TSIANG KIA-CHE] (1887-1975)

Issu d’un milieu de négociants, celui qui sera plus de vingt ans le Gemo (généralissime), maître de la Chine et l’un des Cinq Grands, Tchiang Kai-chek (Jiang Jieshi) naît à Fenghua (Zhejiang) et choisit après des études classiques la carrière des armes. Très tôt porté vers le nationalisme antimandchou, il part au Japon étudier à l’Académie militaire de T 拏ky 拏. Chen Qimei l’introduit au Tongmenghui (Parti de la ligue jurée) et lui fait connaître son leader Sun Yat-sen. La révolution de 1911 voit Tchiang Kai-chek retourner en Chine et y organiser, avec l’appui de sociétés secrètes antimandchoues, la rébellion républicaine, ce qui lui vaut de commander un régiment. Lorsque Sun Yat-sen, dont Yuan Shikai conteste l’autorité, fonde sa république, Tchiang Kai-chek noue de précieux contacts avec des sociétés secrètes (Bande verte) qui mêlent politique et gangstérisme, tandis qu’il profite de l’assassinat de Chen Qimei par Shikai pour s’attacher ses disciples et ses futurs lieutenants. Commandant l’armée du Guangdong, le noyau du pouvoir militaire du Guomindang (GMD), il a bientôt la faveur de Sun Yat-sen, le «père de la République chinoise».

Le rapprochement opéré par Sun Yat-sen avec Moscou permet à Tchiang Kai-chek d’aller étudier en Union soviétique et d’y rencontrer Trotski, l’architecte de l’Armée rouge, Tchitcherine et les agents du Komintern Ioffé et Maring. Il est très impressionné par les méthodes soviétiques de stratégie, par les possibilités d’un régime de parti unique et par l’armée de parti. À son retour en Chine (1924), il devient le directeur de l’Académie militaire de Whampoa fondée par Liao Zhongkai, le dauphin de Sun Yat-sen, et, avec les conseillers communistes russes (Borodine, Galen-Blücher) et chinois (Zhou Enlai), supervise personnellement l’instruction et la propagande basée sur les principes de Sun Yat-sen et du GMD. Menacé par les seigneurs de la guerre, le GMD lance l’expédition du Nord (1924-1926) qui assure le prestige de Tchiang Kai-chek. En 1925, au milieu des remous qui suivent la mort de Sun Yat-sen, trois proches de ce dernier se disputent sa succession: Hu Hanmin, le premier, fait assassiner le second, Liao Zhongkai, et, discrédité, se retire, favorisant ainsi Wang Jingwei, partisan d’une alliance avec les communistes et représentant l’aile gauche du GMD. Tchiang Kai-chek fait figure de second rôle, mais il contrôle l’armée: en mars 1926, sous un prétexte quelconque, il chasse les communistes chinois et russes et force Wang Jingwei à l’exil. Après le succès de l’expédition du Nord, en avril 1927, il élimine brutalement les communistes alliés à Wang Jingwei dans le gouvernement de gauche GMD de Wuhan et établit à Nankin un gouvernement réactionnaire rival qui évince le premier. Cette même année, par son mariage avec Mayling Soong (Song Meiling) assorti de sa conversion au méthodisme, il s’allie à une famille de banquiers milliardaires.

En 1928, Tchiang Kai-chek parvient à un point culminant de sa carrière: chef du GMD, victorieux des féodaux nordistes, de l’aile gauche du GMD et, provisoirement, des communistes, il est l’homme fort d’une Chine unifiée. En fait, son pouvoir est déjà contesté par Mao Zedong qui organise les maquis paysans et par le Japon qui entreprend une lente annexion de la Chine. Devant la menace nippone, Tchiang Kai-chek temporise, apaise T 拏ky 拏 et conserve son potentiel pour résoudre les problèmes internes: les factions militaristes qui subsistent (Feng Yuxiang) et surtout les communistes qu’il ne peut acheter. Au nom du slogan «unification, puis résistance», il va lancer cinq grandes campagnes d’anéantissement contre les Rouges tout en essayant vainement, pour s’opposer au marxisme, de promouvoir la Nouvelle Vie, mouvement dont l’ambition est de fournir une idéologie nationale basée sur un amalgame de vertus antiques et de christianisme primitif.

En 1934, le Gemo réussit à cerner le corps de bataille communiste du Jiangxi; celui-ci doit entreprendre une dramatique retraite qui deviendra l’héroïque Longue Marche. Cependant, en Chine, l’opinion publique se dessine en faveur d’un front uni antinippon réclamé par les communistes. En décembre 1936 a lieu l’«incident de Xi’an»: Tchiang Kai-chek, capturé par son second Zhang Xueliang et persuadé de conclure avec Zhou Enlai un accord de front commun, devient paradoxalement le vivant symbole de la politique qu’il combat depuis des années; il voit son image rehaussée, se retrouve le leader accepté par ses adversaires qui ont joué cette carte pour vaincre à terme et devient l’incarnation de la Chine. Mais il persiste à penser que le destin de son pays repose sur le GMD et continue à détourner ses troupes pour contenir les communistes, rendant fragile la politique d’alliance antijaponaise. N’ayant pour tout soutien extérieur que Moscou, Tchiang Kai-chek, devenu zong cai («leader du parti»), rompt avec Berlin et Rome en 1941 dès que ces capitales reconnaissent le gouvernement Quisling de Wang Jingwei établi à Nankin. Il va désormais être reconnu par les grandes puissances, nommé commandant suprême du théâtre d’opérations asiatique et devenir un allié de poids par la masse d’hommes qu’il oppose au Japon. En 1943, il succède à Lin Sen, président de la République, et assiste aux conférences de Téhéran et du Caire aux côtés de Churchill, de Roosevelt et de Staline. Percevant la menace communiste, Tchiang Kai-chek réclame des armes aux Américains, qui lui reprochent son apathie face au Japon ainsi que la corruption de son régime, mais qui accèdent à ses désirs. En 1945, à la défaite japonaise, malgré l’entremise américaine et de longues négociations au cours desquelles Mao Zedong et Tchiang Kai-chek s’accordent pour reconstruire la Chine dans une perspective pacifique, la rupture devient inévitable et la guerre civile éclate.

Affaibli par les dissensions de ses lieutenants, l’impopularité de son régime concussionnaire et de ses méthodes réactionnaires, Tchiang Kai-chek assiste partout à la victoire de Mao Zedong; le 21 janvier 1949, il abandonne la présidence et fuit à Taiwan. Mal accueilli par la population, abandonné par Washington qui voit en lui une cause perdue, Tchiang Kai-chek ne doit sa relative remontée qu’à la guerre de Corée et à la guerre froide. Élu zong cai en 1952, grâce à l’aide américaine, il opère un redressement économique à Taiwan, progrès terni par des méthodes de pouvoir dictatorial et une caporalisation permanente motivée par une future reconquête du continent. La maladie et son âge avancé l’obligent peu à peu à remettre ses pouvoirs entre les mains de son fils Jiang Jingguo.

Nationaliste incontestable, Tchiang Kai-chek reste surtout un soldat et un manœuvrier intrigant marqué d’une éthique étroite, qui a su hisser son pays sur la scène internationale tout en y instaurant un régime archaïque.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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